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Wharton Hood, véritable fondateur de l’ostéopathie ?

Benoît Cauvin, Ostéopathe
 
Créé le : dimanche 28 octobre 2012 par Benoît Cauvin

Dernière modificaton le : vendredi 26 avril 2024

Wharton Hood, véritable fondateur de l’ostéopathie ?

Benoît Cauvin, Ostéopathe


Wharton Hood,
véritable fondateur de l’ostéopathie ?
Benoît Cauvin, Ostéopathe

Le Docteur Hood, médecin d’expérience de grande renommée, soigne d’une grave maladie un certain Mr Hutton, bone-setter de profession et très renommé également dans la capitale britannique. Afin de le remercier, Mr Hutton propose de lui communiquer l’ensemble de son savoir et de son savoir-faire (très confidentiel chez les rebouteux).

L’histoire se passe à Londres au milieu du XIXe siècle.

Le Docteur Hood, médecin d’expérience de grande renommée, soigne d’une grave maladie un certain Mr Hutton, bone-setter de profession et très renommé également dans la capitale britannique. Afin de le remercier, Mr Hutton propose de lui communiquer l’ensemble de son savoir et de son savoir-faire (très confidentiel chez les rebouteux). Beau cadeau en effet mais que le docteur se doit de refuser ne pouvant lâcher son cabinet. Il propose cette riche expérience à son fils médecin de profession également. Wharton est stupéfiait des résultats obtenus par le rebouteux et cherche à comprendre. Deux mondes se rencontrent certainement ici pour la première fois, celui ancestral et empirique des thérapeutes manuels et celui de la science moderne occidentale et de ses connaissances en anatomie, physiologie et pathologie. De cette rencontre naîtra d’abord un article paru dans le magazine scientifique « the Lancet » puis un livre, « one bone-setting », probablement première pierre fondatrice de l’ostéopathie moderne.

Wharton ne comprend pas. Pour chacun de ses patients, Mr Hutton explique avoir compris ce qu’il se passait. « The bone is out  » répète t-il sans cesse à ses patients, « Il faut le remettre en place. » Pourtant, point de luxation ni même de déplacements articulaires observés par le médecin. Ce que dit le rebouteux est faux mais ça marche à tous les coups. Qu’elle que soit l’articulation, il remet en place un os qui n’est pas déplacé et le patient s’en trouve instantanément amélioré. Hood, curieux et intelligent, plutôt que de chercher à convaincre scientifiquement ce magicien de l’impossibilité de ses propos comme la plupart des « surgeons » (chirurgiens) de l’époque qui n’ont que de mépris pour cette pratique, va chercher à comprendre ce qui se passe réellement.

L’hypothèse géniale de Hood : adhérences et changement d’état des tissus articulaires

Le rebouteux décrit les articulations qu’il traite comme étant stiff (dur ou résistant), painfull (douloureux à la palpation) et helpless (faible, sans défense). Après avoir observé de très nombreuses séances, Hood explique que cet état articulaire intervient toujours soit après un état inflammatoire (pathologique ou post traumatique) ou soit après une immobilisation prolongée. Dans tous ces cas, l’état du tissu articulaire (et péri-articulaire) change et l’articulation devient moins mobile. « That consitutional states resist passive motion with a sort of elastic résistant, as if the joints were restrained by ligamentous or strong fibrous tissue.  » Pour lui, cette « hypomotion » peut probablement entraîner la diminution des sécrétions dans l’articulation et dans les tendons et créer des adhérences par épaississement du liquide stagnant qui collerait les différents feuillets de la membrane synoviale. Le joint deviendrait alors douloureux à la mobilisation ce qui conforte les médecins dans l’idée de prolonger l’immobilisation. Le cercle vicieux est créé.

Il compare très habilement ce processus de « speedy agglutination  » articulaire à celui de l’iris et de la cristalline qui survient à la suite d’une inflammation de l’œil. Cette adhérence peut être levée par une mobilisation précoce. Sinon, des troubles fonctionnels peuvent arriver rendant la pupille non fonctionnelle et irritable. L’atropine est souvent utilisée pour lever ces adhérences. Pour Wharton, les manipulations de Mr Hutton sont comparables à l’atropine que l’on injecte dans l’œil.

Il a, du reste, observé que les bons résultats du bone-setter étaient souvent obtenus sur des traumatismes anciens et moins souvent sur de l’aigu.

Les techniques de Mr Hutton

La plupart sont construites sur un même principe. Mr Hutton cherche un point exquis autour de l’articulation. Il le contact avec son pouce et empaume l’articulation avec le reste de sa main. Il saisit l’extrémité distale de l’autre membre avec son autre main. Le point fixe de la manœuvre est donc situé sous le pouce et le membre du patient va tourner autour de lui. L’articulation est alors amenée en flexion ou en extension. La direction du mouvement est choisie selon la direction de la plus forte résistance. Dans le langage du rebouteux cela correspond à : « l’articulation doit retourner dans le sens inverse de ce qui l’a mise dehors ». La résistance musculaire doit être minimisée par la rotation du membre autour de son axe ce qui rend le muscle « faible » et permet de passer outre cette résistance. On protège ainsi aussi les fibres musculaires.

La force est induite par l’opérateur dans une direction parfaite et déterminée au préalable. Le mouvement est interrompu à la fin de l’amplitude et ne va jamais au delà !!!. « Comme pour la main du chirurgien, il n’y a pas de mouvement surajouté qui ne soit choisit. » La manipulation est ainsi faite en toute sécurité. Mr Hutton donne ce dernier conseil : « pulling is of little use. The twist is the thing  ».

Il arrivait parfois au rebouteux d’utiliser quelques aides techniques sur des articulations très raides comme les frictions à l’huile de pied de bœuf (Neatsfoot oil) et autres cataplasmes d’huile de lin (linseed-meal) et ce pendant une semaine avant la manipulation. Parfois même, il plaçait le joint articulaire dans une eau brulante pendant une heure et demi avant la manipulation.

Wharton décrit par la suite les techniques de l’ensemble des articulations du corps. Il dit se méfier particulièrement des coxofémorales (que Mr Hutton prenait peu en charge) qui, pour lui comme pour les gynécologues de l’époque, étaient très liées aux pathologies de l’utérus chez la femme. 

L’importance du diagnostic différentiel

C’est probablement ce qui fait la différence entre un bon et un mauvais rebouteux, sauf que ce diagnostic d’exclusion est obtenu davantage par instinct et par expérience que par connaissance scientifique. Il donne le cas relevé dans un magazine scientifique pour chirurgiens d’un rebouteux ayant manipulé une vertèbre lombaire. La personne est restée paralysée sur la table après avoir entendu un bruit articulaire et est décédée trois jours plus tard. C’est à partir de ce moment qu’une aversion pour le crack articulaire a été relayée dans le monde médical de l’époque. Still lui même dira (plus certainement pour se protéger des attaques médicales) ne pas chercher particulièrement le crack articulaire. Pour Wharton, les connaissances en pathologie peuvent permettre d’éviter ces problèmes. Les techniques de Mr Hutton sur le rachis ne présentaient aucun danger particulier.

Le modèle ostéopathique commence à prendre forme. La lésion y est décrite : ses caractéristiques, ses origines et les moyens de la lever. On commence même à envisager les phénomènes de douleurs référées et de convergences par les liens viscéro-pariétaux, même si l’approche thérapeutique ne viendra que plus tard. Empirisme et science moderne se rapprochent et se complètent parfaitement pour fonder une nouvelle discipline amenée à évoluer dans cet aller-retour perpétuel entre théorie et pratique propre à toute approche systémique.

Et Andrew Taylor Still dans tout ça ?

S’il revient une chose dans toute les études sur la vie et l’œuvre de Still, c’est qu’il ne donne aucune référence sur les influences de son savoir-faire. Et pourtant… Étonnant que le livre soit publié quatre années avant que Andrew Taylor Still ne proclame la naissance de l’ostéopathie de l’autre côté de l’Atlantique. Etonnant aussi que la seule vidéo de Still montrant une technique devant ses élèves (le seul moment où Still laisse une trace de son savoir faire à la postérité, donc un moment significatif tout de même) soit très proche de celle décrite par Wharton Hood à la page 85 de son livre (voir ci-dessous). Étonnant enfin qu’un des élèves de Still raconte que le Maestro avait toujours un exemplaire du livre de Wharton Hood dans la poche de son veston.

Benoît Cauvin, Ostéopathe.
Pour l’AAE-Ifsor.

Comparaison entre la vidéo du Muséum of Osteopathic Medicine located on the campus of AT Still University et la figure 3, page 85 du livre de Wharton Hood

This video is property of the Museum of Osteopathic Medicine located on the campus of AT Still University.

Titre complet : On Bone-setting, So Called, and Its Relation to the Treatment of Joints Crippled by Injury, Rheumatism, Inflammation, &c. &c,

Auteur : Wharton P. Hood, M.D., M.R.C.S.

Edition : Mac Millan, London and New York. 1871
One Bone-setting

Le Site de l’Ostéopathie remercie Benoît Cauvin et l’AAE-IFSOR de l’avoir autorisé à publier cet article



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