Ostéo4pattes - Site de l’Ostéopathie

Poster un message

En réponse à :

SDO 8 - Vers une ostéopathie progressiste

mardi 1er janvier 2019 par Walid Salem, Yves Lepers

Les auteurs

Walid Salem, DO, PhD, rédacteur de Mains Libres (Bruxelles) Yves Lepers, DO, PhD (Buxelles)

Il existe deux tendances, tant dans la conception générale de la pratique ostéopathique que dans son enseignement. La première postule une intégration possible de l’ostéopathie dans le monde de la santé en tant que pratique médicale manuelle. Son champ d’expertise est alors assez clairement défini. Il se limite principalement aux pathologies dites fonctionnelles de l’appareil locomoteur et aux conséquences de ces dernières sur le système nerveux périphérique. Il s’agit d’une position progressiste, désireuse de comprendre les modes d’action de la pratique ostéopathique ainsi que ses effets, par la recherche et l’expérimentation clinique et fondamentale. Cette position critique engendre l’acceptation du rejet des théories obsolètes et des pratiques réfutées par la recherche.

Mains Libres, n°3 Septembre 2018

La deuxième tendance considère que les postulats métaphysiques, spiritualistes (perfection de la nature humaine, créationnisme) et vitalistes (blood seed, mécanisme respiratoire primaire) de l’ostéopathie sont toujours d’actualité. Cette position est délibérément dogmatique, réfutant par essence, la mise à l’épreuve de l’ostéopathie par l’expérimentation scientifique. Les représentants de la tradition deviennent alors « de facto » les praticiens d’une médecine sectaire, alternative, infalsifiable et indépendante des progrès de la science. Ces ostéopathes « traditionalistes », revendiquent une vision globale de l’être humain qui s’apparente plus au « survol divin » qu’à l’approche clinique raisonnée. Cette dernière, en effet, replace le patient dans sa singularité, dans son double déterminisme génétique et environnemental ; le tout, sans nier l’importance de l’épidémiologie ou de l’EBM (evidence based medicine) tout en ne réduisant pas l’individu à la maladie qui l’affecte.

Quant aux partisans de l’interprétation spiritualiste de l’ostéopathie, ils surfent sur le concept de médecine holistique sans le comprendre vraiment. L’holisme est en fait une critique du positivisme dur. Lequel considère que ce que la science n’explique pas, n’existe tout simplement pas ! L’holisme est une critique du réductionnisme scientifique en considérant que « Le tout n’est pas égal à la somme des parties ». Les parties d’un phénomène observé étant le fruit de notre esprit analytique, ce dernier fonctionnant en isolant des faits et en créant des modèles. La plupart des scientifiques entendent et admettent cette critique. Les métaphysiciens de la médecine en général et de l’ostéopathie en particulier, eux, comblent les lacunes de la science expérimentale par des explications fantaisistes, irrationnelles, ineptes. Ce qu’ils ne comprennent pas, ils l’expliquent !

Les ostéopathes ayant suivi les progrès des sciences et techniques biomédicales, replacent les textes fondateurs dans leurs contextes historique et géographique, à savoir la médecine du 19e siècle pratiquée dans le Middle West américain.

Une telle approche reconnaît à Andrew Taylor Still (1828-1917), le mérite d’avoir voulu substituer une épistémologie rationaliste à une épistémologie strictement empiriste de la clinique médicale de son époque et de son lieu de pratique. Elle lui reconnaît également le mérite d’avoir institutionnalisé une pratique manuelle de la médecine, jusque-là reléguée aux arrières cuisines des rebouteux. Après tout la médecine académique continue aujourd’hui de célébrer Hippocrate comme père de la médecine sans pour autant recourir à la théorie des humeurs pour justifier son exercice.

Dans une telle perspective l’abandon des principes, concepts et philosophie des origines au profit d’une démarche réflexive, critique et scientifique est évidemment la règle.

Il reste cependant, dans notre escarcelle, un ensemble de techniques manuelles, un savoir-faire, une sémiologie, tout à fait susceptibles de, non seulement s’intégrer dans la médecine moderne, mais d’y apporter une contribution non négligeable. Le médecin prescrit des médicaments, le chirurgien manie le bistouri et l’ostéopathe utilise ses « mains nues » pour traiter ses patients.

Ce dernier constat est, probablement, à l’origine d’un certain scepticisme des autorités académiques et du monde médical en général. Si le médicament apparaît souvent comme l’ajout de ce qui manque à notre organisme pour aller vers le chemin de la guérison et si la chirurgie comme ce qu’il faut lui enlever pour guérir que fait alors l’ostéopathie ? En effet celle-ci n’ajoute rien et n’enlève rien... Or l’ostéopathie ne manque pas d’arguments. De nombreuses études cliniques soulignent l’intérêt pragmatique de notre approche et les résultats significativement probants dans une série de pathologies fonctionnelles de l’appareil locomoteur. Des arguments plus fondamentaux émergent également, mettant en exergue une action neurophysiologique des techniques ostéopathiques sur la douleur(1,2). Comme nous l’avons signalé plus haut, l’ostéopathe apporte également une expertise sémiologique venant enrichir l’examen clinique des pathologies relevant de son art.

Ces constatations amènent naturellement à s’inspirer du modèle de la maîtrise en sciences dentaires d’un point de vue socio-professionnel .

Ce dernier limite en effet sa pratique médicale à l’examen et au traitement de la sphère bucco-dentaire alors que l’ostéopathe se limite au système musculo-squelettique et au système nerveux périphérique dans ses relations avec le premier. L’ostéopathe ne veut pas se substituer au médecin comme le dentiste ne substituera pas au stomatologue. Le caractère fonctionnel, « mécanique » et réversible des pathologies ciblées justifiant l’emploi quasi exclusif des mains à des fins thérapeutiques.

Il convient dès lors de rectifier la lexicologie associée à la pratique :

La lésion ostéopathique, transformée par un argument « ad-hoc »(3) en dysfonction ostéopathique, n’existe pas en tant que facteur causal des maladies quelles qu’elles soient comme le pensait Still. Il pourrait s’agir en fait d’une raideur douloureuse, conséquence d’une souffrance articulaire et tissulaire. Tout au plus, enrichit-elle la sémiologie palpatoire, en guidant le praticien vers les zones à traiter.

En conséquence de ce qui précède les notions de « lésions ou dysfonctions, primaires, secondaires, etc. », sont dépourvues de sens. Ces concepts sont en fait le fruit d’’un raisonnement correct à partir d’une prémisse fausse comme nous l’avions démontré dans l’article cité plus haut.

Il en va de même des dysfonctions vertébrales en FRS (Flexion-Rotation-Side bending), ERS (Extension-Rotation-Side bending) et NSR (Neutral-Rotation-Side bending), définies à partir des lois de Fryette (1918). Les publications les plus récentes (4-6) en matière de biomécanique vertébrale montrent qu’il est non seulement déraisonnable mais totalement impossible de définir des lois mécaniques du comportement vertébral qui stéréotypent et catégorisent les patients. Traditionnellement beaucoup de formations en ostéopathie se réfèrent à ce modèle. Elles créent des adaptations pratiques issues de cette théorie sans prendre en compte les variations anatomiques qui rendent absurde une telle standardisation. On adapte alors le raisonnement clinique ostéopathique à une fausse théorie, aux fondements métaphysiques et indépendants de toute expérience rigoureuse. Certains ostéopathes finissent alors par percevoir manuellement ce que l’anatomie et la physiologie ne démontrent pas. Enfermés dans une double subjectivité ils se mettent à croire sans discernement à ce qu’ils palpent et à palper ce qu’ils croient.

Le MRP (mouvement respiratoire primaire), quant à lui, n’est rien d’autre qu’un reliquat de la pensée vitaliste du 18e siècle qui pensait qu’un principe vital, un souffle de vie indépendant de la matière, animait les êtres vivants.

Le choix est donc clair, soit l’ostéopathie se définit en tant que médecine sectaire et alternative, soit elle se positionne au sein de la médecine avec une expertise qui nous est propre. Dans ce cas, il faut remettre le patient au centre de notre réflexion. Nous ne sommes pas là pour défendre une philosophie médicale mais pour soigner nos patients avec les moyens les plus appropriés. Or nos patients consultent majoritairement pour des problèmes douloureux. Ne pas en tenir compte pour des raisons dogmatiques est non seulement aberrant mais surtout éthiquement inacceptable. Dans un tel contexte, la connaissance neurophysiologique des différents types de douleur rencontrés dans nos cabinets fait partie de notre expertise. Tout comme la connaissance approfondie des mécanismes inflammatoires monoarthritiques et de leurs rapports avec les phénomènes douloureux. Nous pourrons alors entamer une classification des techniques en fonction de leur adéquation optimale aux motifs de consultation. L’influence des facteurs psycho-sociaux de la relation « ostéopathe/ malade » fait également partie de cette expertise ainsi que l’enrichissement de la clinique par la sémiologie palpatoire et son apport incontestable au diagnostic des pathologies relevant de notre art. Enfin, la connaissance de la complémentarité de l’ostéopathie avec la médecine chimique et les autres soignants, est une nécessité devenue aujourd’hui incontournable pour une prise en charge raisonnée du malade et de sa souffrance.

Références

 Wright A. Hypoalgesia post-manipulative therapy : a review of a potential neurophysiological mechanism. Man Ther. 1995 Nov ;1(1):11-6. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1356689X85702445
 Bialosky JE, Bishop MD, Price DD, Robinson ME, George SZ. The mechanisms of manual therapy in the treatment of musculoskeletal pain : a comprehensive model. Man Ther. 2009 Oct ;14(5):531-8. Accès libre : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2775050/
 Lepers Y, Salem W. La « dysfonction ostéopathique », un pur concept a priori. Mains libres. 2016 décembre,(4), 43-7. Article téléchargeable (format pdf) sur la page ResearchGate des auteurs
 Salem W. Biomécanique 3d de la colonne cervicale : De la physiologie inter-segmentaire à la manipulation ostéopathique par haute vitesse basse amplitude « études in vivo ». Édition, Presses Académiques Francophones. Sarrebruck-Allemagne ; 2014. ISBN : 978-3841629272
 Fryer G. Somatic dysfunction : An osteopathic conundrum. IJOM. 2016 22, 52-63. - La dysfonction somatique : une énigme ostéopathique
 Salem W. « Physiologie de la colonne cervicale : Fryette, hors-la-loi ? » L’Ostéopathe magazine. 2013 septembre ; (19) 22-8. - Article téléchargeable (format pdf) sur la page ResearchGate de l’auteur


modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Accueil | Contact | Plan du site | Se connecter | Visiteurs : 2954518

Venez nous suivre sur les réseaux sociaux :

       
Suivre la vie du site fr 

Site réalisé avec SPIP 4.2.8 + AHUNTSIC