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Manon, la vache qui boitait depuis très longtemps ...

Créé le : jeudi 7 juillet 2016 par Mylene Lemaire

Dernière modificaton le : vendredi 9 juin 2017

Manon est une vache croisée Blonde d’Aquitaine–Prim Holstein (INRA 95) de 9 ans présentant une boiterie du postérieur gauche depuis plusieurs années et vue en ostéopathie le 10 avril 2015.

Anamnèse

Cette vache appartient à un éleveur à la retraite, qui possède encore 2 vaches et leurs produits pour engraissement. Le jour de la consultation ostéopathique, le dernier veau de Manon est âgé de 8 mois (bœuf à l’engraissement). L’éleveur, sur avis de l’inséminateur, n’a pas remis Manon à la reproduction en raison de l’aggravation de son handicap.

Manon boîte depuis 4 ou 5 ans. Elle avait alors été vue par le Vétérinaire traitant et l’administration d’un traitement classique à base d’anti-inflammatoires n’avait donné aucun résultat. A l’époque, ce problème était peu handicapant mais il l’est devenu au fil du temps. D’après l’éleveur, Manon a de plus en plus de difficultés à se relever de la position couchée et lors de la sortie de l’étable, elle s’immobilise systématiquement pendant 1 minute environ en vacillant, avant de reprendre sa route. Ce sont ces derniers éléments qui ont motivé la consultation ostéopathique.

Déroulement de la consultation ostéopathique

Pour la consultation, Manon est rentrée à l’étable à partir du pré adjacent, ce qui permet l’observation de sa démarche sur quelques dizaines de mètres. Son poids est estimé à 650-700 kg et l’état d’embonpoint à 4/5. L’observation clinique de la démarche est rendue difficile par la présence d’un pis très volumineux (vache en lactation à 30 L par jour) entravant le mouvement des postérieurs. Elle présente, toutefois, une boiterie franche du membre postérieur gauche pendant la phase de soutien, qui rend sa démarche difficile et laborieuse. Cette boiterie s’accompagne d’une exagération de l’élévation de la hanche gauche. De plus, une gêne est constatée sur le postérieur droit lors de l’engagement.

L’examen clinique ne révèle aucun signe clinique général. L’inspection et la palpation des onglons et des articulations (tarse, jarret, grasset) ne montre aucune anomalie, si ce n’est une instabilité de la rotule à droite.

A l’examen ostéopathique, Manon présente :

 Un asynchronisme crânio-sacré, avec un occiput bloqué en inspir et un sacrum en expir, accompagné d’une force de traction médullaire (FTM ; Boisseleau, 2012) élevée et d’une forte traction caudale de la faux du cerveau et de la tente du cervelet.

 Une restriction globale de tous les mouvements du bassin : avec un ilium gauche en conversion supérieure, un sacrum en latéroflexion droite-rotation gauche et une branche pubienne gauche en avant

 Un grasset et un jarret droits en rotation externe. Une faiblesse des ligaments fémoro-patellaire latéral et patellaire latéral à droite.

 L6 en ERSg

 T13 en FRSd

 C6 ERSg

 Et au niveau viscéral : le foie en position crânio-ventro-latérale.

La dysfonction primaire proposée se situe au niveau de l’ilium en conversion supérieure, complétée par un whiplash.

L’articulation sacro-iliaque gauche (en découverture) ne peut plus absorber correctement par élasticité, l’énergie remontant vers la colonne au poser du pied, ce qui conduit à une rotation à gauche excessive de l’ensemble des lombaires, qui entraînent avec elles le bassin (Chêne P., 2013). Ces restrictions de mobilité ont impacté les charnières lombo-sacrée et thoraco-lombaire. Au cours du temps, ce défaut d’amortissement du postérieur gauche s’est répercuté, sur le postérieur droit, au niveau du grasset et du jarret, ce qui a rendu la démarche de plus en plus inconfortable. La chaîne dysfonctionnelle proposée en partant du bassin entraîne une tension méningée expliquant la tension crânienne dans le sens globalement caudal.

Le problème étant ancien, l’éleveur ne se souvenait plus d’un événement particulier qui aurait été à l’origine de la boiterie. Cependant, il est fort probable, que sa congénère en chaleur lui soit grimpée dessus et que Manon soit tombée sur son hémi-bassin gauche. Cette chute serait ainsi à l’origine d’un whiplash (ou coup du fouet ou coup du lapin) avec pour résultat un asynchronisme cranio-sacré, C6 en extension et l’occipital en flexion (Pearson et al, 2004).. D’une manière générale, le whiplash a compliqué les cycles inspir-expir du mécanisme cranio-sacré et a également créé une surcharge de contrainte en tension de la dure-mère rachidienne se rajoutant à celle due au bassin en dysfonction. L’ensemble a rompu l’harmonie du MRP et a diminué les capacités internes d’auto-régulation du corps (Barral et Croibier, 1999).

Traitement ostéopathique

Dans un premier temps, l’asynchronisme crânio-sacré est corrigé par technique fonctionnelle, ce qui permet d’obtenir de la part de Manon une attention toute particulière. Un travail tissulaire à partir du sacrum permet de réduire la FTM. Ensuite, un « trust » en manipulation structurelle directe sur l’iliaque gauche est effectué. Il est suivi d’un travail en myotensif indirect pour libérer la dernière vertèbre lombaire et la dernière vertèbre thoracique et d’un travail fonctionnel sur le pubis. Un travail en viscéral est ensuite réalisé sur le foie.

A l’écoute du sacrum, les cycles inspir-expir ne sont pas encore fluides, et il apparaît que la FTM a diminué sans revenir à un niveau physiologique. Une attention particulière est donc portée sur C6, l’occiput et le système de membranes de tension réciproques au niveau crânien avec un travail ostéopathique par technique fonctionnelle sur chaque segment. Pour terminer, un travail fonctionnel est également réalisé sur les ligaments latéraux de la rotule droite et sur le jarret droit. Enfin, l’harmonie des cycles inspir-expir du mouvement cranio-sacré est constatée suite à une nouvelle écoute attentive.

A la fin de la consultation, la démarche est déjà plus fluide et Manon sort de l’étable sans montrer de signe d’arrêt. Il est précisé à l’éleveur qu’une aggravation est possible pendant les 3 jours qui suivent et il est demandé de donner des nouvelles.

En considérant le volume important de la mamelle et le poids excessif comme facteurs aggravants et il a été discuté avec l’éleveur la possibilité de tarir l’animal et d’instaurer un « régime alimentaire ». En complément, un drainage hépatique est prescrit en homéopathie (PVB drainage GA, Boiron).

Suivi ostéopathique et évolution

Cinq jours plus tard, l’éleveur donne des nouvelles : Manon va beaucoup mieux. Elle a encore présenté quelques petites difficultés au lever (gémissements) pendant les 3 jours qui ont suivi la consultation, mais depuis, selon ses propre mots « elle court dans le pré » et ne présente plus de gène ni à la démarche, ni au relever de la position couchée, ni pour sortir de l’étable.

Des nouvelles ont été également prises sur place plus d’un mois après la consultation initiale, le 16 mai 2015 (Figure 1), Manon se porte toujours bien, sa démarche s’est très nettement améliorée, seule une très légère boiterie du membre postérieur droit est encore observée.

Il est décidé, sur de demande de l’éleveur, de renouveler un traitement ostéopathique uniquement si besoin.

Figure 1 : Manon (à gauche sur la photo), le 16 mai 2015, 5 semaines après le traitement ostéopathique.

Synthèse et discussion

Les boiteries hautes sont rarement prises en compte en médecine rurale, ceci peut-être faute d’examens complémentaires (tels que ceux d’imagerie médicale) aisément possibles. La littérature s’intéresse principalement aux boiteries basses qui représentent plus de 90% des boiteries des élevages laitiers. Ce sont principalement les onglons qui sont affectés par des maladies telles que le panaris, le fourchet, la dermatite digitée et les ulcères de la sole, dont les facteurs favorisants sont des défauts de logement et/ou d’alimentation.

Dans ce cas-ci, la vache Manon souffrait d’une boiterie haute, avec un ilium gauche en conversion supérieure et un bassin où tous les mouvements étaient limités. Ce tableau était aggravé par un whiplash (conséquence d’un mouvement brusque sans préparation) qui, en perturbant la mécanique crânio-sacrée, ne permettait pas à l’animal de retrouver un équilibre et pourrait expliquer l’aggravation au cours du temps, avec notamment les difficultés au relever (cervicalgie) et les pertes d’équilibre pour sortir de l’étable (Barral et Croibier, 1999).

Au vu de l’ancienneté de la boiterie, il était difficile de prédire si un traitement en approche ostéopathique pouvait être bénéfique. Cependant, dans ce cas, le traitement ostéopathique a permis de retrouver du confort et une démarche normale très rapidement, dès la semaine qui a suivi la consultation. L’effet était toujours cliniquement stable 5 semaines après.

Au cours du temps, des dysfonctions, voire éventuellement des lésions, de compensation se sont installées (probablement au niveau du postérieur droit), et de nouvelles consultations ostéopathiques seront à l’avenir probablement nécessaires, ceci afin que Manon puisse poursuivre tranquillement sa carrière de vache chez un éleveur à la retraite.

Conclusion

Manon est une vache qui souffrait d’une boiterie haute au niveau du postérieur gauche depuis plusieurs années. Cette boiterie était devenue de plus en plus invalidante et au moment de la consultation, elle boitait des deux postérieurs, présentait des pertes d’équilibre et des difficultés pour se relever. Le traitement ostéopathique a permis à Manon de retrouver très rapidement du confort et une démarche pratiquement normale. Contrairement aux affections touchant les pieds, une boiterie haute chez la vache n’est pas une priorité en médecine rurale classique et seuls les traitements anti-inflammatoires ou la réforme sont proposés. L’approche ostéopathique apparaît ici comme étant une bonne solution et aurait probablement été encore plus bénéfique si le traitement avait pu être entrepris plus précocement.

Bibliographie

BARRAL J.-P. & CROIBIER A. A Mechanical Approach to Trauma. In : Trauma – An osteopathic approach. Editions Eastland Press, Seattle, USA, 1999, 5-37.

BOISSELEAU A. 2012. La Force de Traction Médullaire : Etude bibliographique. Thèse de Doctorat Vétérinaire, Nantes, France.

CHENE P. Sacro-iliaque : les tests. In : 101 Coups de pouce d’ostéopathie comparée. Editions l’Ostéo4pattes, Saint-Girons. 2013, 72-73.

PEARSON A.M, IVANCIC P.C, ITO S., PANJABI M.M. Facet joint kinematics and injury mechanisms during simulated whiplash. Spine. 2004, 29(4), 390-7.



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