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Pour l’ostéopathe ....

Créé le : mardi 9 août 2011 par Alain Chanteraud

Dernière modificaton le : mardi 9 août 2011

Lorsque j’arrive chez lui, j’entre avec mes valises aux menottes, celle de mon métier qui me mine, l’autre privée qui me prive.

Dans la première je traîne un vocabulaire abscons, les images si importantes de mes affaires importantes, tout ce qui fait que ma planète tournerait moins bien si je ne m’en occupais pas aussi bien.

Dans cette vie-là, lorsque je tourne le robinet de ma salle de bain, argent et pouvoir coulent en jets tièdes et convenus, sans rouille, sans à-coups.

Dans cette vie-là, lorsque la nuit vient, je m’endors très vite mais je me réveille ensuite sans trop savoir pourquoi, de peur d’avoir oublié quelque tâche, de crainte de n’avoir tout prévu, inquiet d’une faute, d’une erreur de calcul. J’ai mal au dos aussi.

Ensuite dans mon grand sac personnel, j’ai emballé des frustrations puériles, des sentiments d’impuissance, d’abandon. Là-dedans, des enfants qui pleurent, des amours en fuite, des idées fausses, des regrets forts regrettables parfois, des soupirs acres inavoués. Quelques kilogrammes de lâchetés également et puis des résolutions capables de nourrir les années lumières de n’importe quel voyage vers un au-delà mythique.

J’y ai fourré en vrac, bien malgré moi pourtant, une série de toxines écervelées qui plombent les jambes, ankylosent les muscles les plus fidèles, renient jusqu’aux petits plaisirs des membres les plus chers. Un abandon sourd et insidieux a peu à peu pris la place de toute la volonté originelle qui me caractérisait jadis. J’étais gai et enthousiaste, avant, j’étais souriant et vivant. Et je suis fatigué.

Ainsi à l’évocation de cette fraternité de peaux qui me conduit chez lui, comme un attachement pour la grève d’un galet de granit rose poli par les vagues, j’ai l’impression de suite que tout peut encore changer, se réparer, pour recoller des morceaux comme pour refaire des liens, arrondir et lisser.

Je sais que son regard ou sa main comprendront d’emblée comment je vais, dans quelle direction et vers quels destins me conduisent mes pas depuis que j’ai quitté les siens. Il saura ce que j’endure, où sont les points névralgiques, les petits nœuds serrés lessivés resserrés si fort de par l’obstination propre à ceux qui se grisent de tomber. Nous saurons ensemble qu’il faut s’équilibrer l’un l’autre, du moins pour que j’étalonne mon système aux ondes émises ici, comme s’il fallait effacer, repasser, repenser tout en face pour enfin se passer des nuisances en cause.

Rien que cette écoute attentive de ces doigts suffirait à recoudre ces jours effrangés, ne serait-ce que toucher un peu, effleurer seulement suffirait sans doute au resserrage des chaînes et des mailles de mes cellules abimées.

Il le sait, il le fait comme il est dit, sans rien dire, sans juger, sans compassion non plus, compagnon de fortune ou pêcheur d’épave. Alors le mal passe et s’efface, c’est la touche délicate en patte de mouche qui caresse les maux comme un souffle doucement glisse un mot doux dans le cou. Je sens l’étirement dans mes veines, fluide et véloce, la fuite de petits cristaux anguleux dans un courant plus coulant et plus clair déjà. C’est cela, se détendre, élastique lentement étiré, dérecroqueviller, un corps déployé dans toute sa vraie grandeur, la profondeur de l’âme si loin de mes couteaux tirés.

Je m’échauffe lentement, je m’éloigne assurément, je m’abandonne entièrement, sans retenue aucune, sans crainte désormais, sans peine aussi. Ces mains qui assèchent si bien mes douleurs, même encore je dois faire un effort afin d’admettre que je fais corps avec un autre moi-même en devenir. J’en oublie enfin qui je suis dans ma vie du dehors de moi. Moi qui ne sais pas nager, je vogue et je surfe tel un saumon dans un fiord norvégien, et bon sang ! Que l’eau est fraîche et naturelle, qu’elle est suave à mes oreilles ; combien l’horizon devient net au loin de cet agile voyage que je voudrais maintenant sans fin. M’endormir ici maintenant sur un tapis flottant, mourir peut-être, partir si libre et si nu, jusqu’à perdre mémoire de ce… tant d’angoisse qui me pèse.

Et tandis que sur les tuiles de mes toits noirs les chats s’étirent aux primes chaleurs de l’été, sur des pieds d’argile inoxydables et zingués, je repars emplis d’une puissance et de gloire.



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