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La Tenségrité (rés)

Créé le : lundi 26 avril 2010 par Pierre Tricot

Dernière modificaton le : lundi 4 décembre 2017

Le terme tenségrité a été forgé en 1949, par Richard Buckminster Fuller, un architecte et designer américain...

 Au départ,

Il s’agit d’une idée, ou plutôt d’un rêve, que Buckminster Fuller transformera en concept : celui d’une organisation architecturale associant « des îlots de compression dans un océan de tensions. »

Contractant les deux mots « tensile » et « integrity », qui rendent compte d’une tension intégrale et intégrée, il appelle ce concept « tensegrity, » francisé en « tenségrité. »

Dans les années 1950, le sculpteur américain Kenneth Snelson concrétisera ce concept en produisant des sculptures arachnéennes dont les tubes comprimés semblent flotter dans l’air au sein d’une chrysalide de câbles, remettant ainsi en cause notre longue culture de la construction.

Simplex à 3 barres. Sous cet angle, apparaissent nettement les 2 triangles situés dans 2 plans parallèles et formant entre eux un angle de 30°, condition de la stabilité du système, la longueur des barres n’important pas (mémoire de J-F Mégret, p. 14).

Les structures établies sur la tenségrité sont réalisées en reliant des barres par des câbles, sans que les barres soient directement reliées entre elles. On réalise ainsi un système rigide et déformable, stabilisé, non par la résistance de chacun de ses constituants, mais par la répartition et l’équilibre des contraintes mécaniques dans la totalité de la structure. Les principaux avantages de ce système sont sa légèreté, sa consommation minimale de matière première et surtout, sa souplesse et sa flexibilité, associées à une grande solidité.

Un exemple courant de structure en tenségrité est la roue de bicyclette. Dans cette structure, le moyeu et la jante sont les structures en compression et les rayons vissés entre les deux, les éléments en tension. Ils procurent des moyens permettant aux forces d’être transmises du sol au cycliste et vice-versa. Alors même que chaque rayon, séparé de la structure unifiante en tenségrité est fragile et peut se tordre très facilement, l’organisation collective des rayons en triangulation et tension constitue un arrangement particulièrement stable, solide et léger.

Le concept de tenségrité intéresse aujourd’hui particulièrement les chercheurs en biologie qui constatent son omniprésence dans la nature et les organismes cellulaires, y compris dans le corps humain. Ils voient les cytosquelettes des cellules animales comme conçus avec de telles structures : les microtubules sont au centre d’un réseau de contraintes compressives exercées par des filaments. Il semble que l’on puisse appliquer ce modèle de construction à toutes les parties du corps, de l’organisation microscopique à l’organisation macroscopique (Mégret, 2003).

 Dure-mère et tenségrité

Ce qui me fait évoquer aujourd’hui la tenségrité, ce ne sont pas tant les recherches poussées auxquelles elle a donné lieu dans le domaine de la biologie, que son application au concept crânien et les conséquences qui peuvent en découler quant à la manière de le vivre et de le décrire.

Dans son livre, Interface, Paul Lee, évoque la tenségrité et l’applique à l’organisation du système crânien, notamment à la dure-mère, système de tension réciproque.

« Dans le crâne, les os constituent les éléments en compression et les membranes les câbles en tension. Comme la tension dans les rayons de la roue de bicyclette, la tension membraneuse procure une structure solide, dynamique et stable. À l’intérieur de la voûte, les trois faucilles procurent un agencement triangulaire dans lequel les forces peuvent coopérer, ce qui permet à la voûte de changer de forme, sans changer de volume » (Lee, 137).

En quoi regarder le mécanisme crânien comme un système de tenségrité nous intéresse-t-il et peut-il modifier quelque chose à la conception que nous en avons et à la manière de l’aborder ?

► Expériences palpatoires crâniennes

Au début des stages de niveau 1 d’approche tissulaire, après avoir décrit les paramètres de palpation, nous demandons aux participants de contacter le crâne de leur patient et, doucement, très lentement, très progressivement, de commencer à le comprimer vers le centre et d’augmenter en même temps progressivement la tension (isométrique) dans leurs mains. Lorsque les participants le font de manière suffisamment progressive, ils parviennent à la perception d’une plasticité, c’est-à-dire la sensation d’avoir sous la main une boule qui bouge et se déforme sous la pression. Voilà, selon moi, une perception typique de tenségrité.

Le chemin : perception, puis la modélisation

Régressons. Imaginons les premiers contacts de Sutherland avec son propre crâne et avec celui d’autres personnes vivantes, avant qu’un modèle précis d’organisation n’ait été élaboré. On peut imaginer – et seulement imaginer, parce que nous n’avons aucun compte-rendu sur ces premières expériences – que sans modèle préconçu, Sutherland a pu obtenir ce type de perception.
Cette perception a conduit, selon moi, à deux changements paradigmatiques majeurs : outre l’idée d’un possible mouvement crânien, elle a obligé à considérer l’os non plus comme une structure rigide, mais comme une structure plastique (Sutherland parle de fluide). Comment, en effet, accepter l’idée d’un mouvement crânien, sans en même temps, accepter l’idée d’une déformation osseuse adaptant ce mouvement ? Et si l’os peut se déformer, c’est qu’il dispose d’une certaine plasticité. Cela n’a l’air de rien, mais c’est un changement capital dans la manière de concevoir et d’expérimenter la structure osseuse vivante.

D’abord changer d’idée...

Accepter de changer d’idée sur l’os est probablement la première démarche accomplie (sans doute implicitement) par Sutherland. Nous connaissons l’histoire : alors qu’il commence ses études d’ostéopathie, il tombe en arrêt devant un crâne semi-éclaté. Germe alors en lui ce qu’il considérera longtemps comme son idée folle :

« Alors que je restais à contempler, tout en pensant, inspiré par la philosophie du Dr Still, mon attention fut attirée par les biseaux des surfaces articulaires de l’os sphénoïde. J’eus soudain cette pensée, – comme une pensée guide, – ‘biseautées, comme les ouïes du poisson, indiquant une mobilité pour un mécanisme respiratoire’ » (Sutherland A, 40).

Cette idée folle l’a conduit à changer deux idées fixes : l’immobilité des os du crâne et la rigidité absolue de l’os. Concernant la rigidité osseuse, nous sommes formatés dès nos premières « rencontres ».

Le chemin : perception, puis la modélisation avec l’os, qui se font avec des spécimens réduits à leur partie minérale, sèche, cassante, dure. C’est à partir de cette expérience initiale que s’élabore notre premier référentiel de la structure osseuse. Et comme elle est la première, elle prévaut implicitement tant qu’une expérience différente ne nous oblige pas à la réévaluer. Ce mal perçu se renforce du fait qu’en état de conscience normale, l’os nous apparaît effectivement comme rigide.

N’est-il pas charpente ? Comment pourrait-il donc être autrement que rigide ?

« Nous ne discernons pas que cette rigidité est relative. En effet, l’os vivant est à la fois rigide et souple. Il est rigide grâce à ses composants minéraux, mais il est également souple, grâce à ses composants organiques. Lorsque nous le percevons rigide, nous nous référons à notre conscience minérale. Mais en nous référant à notre conscience organique (la vie), nous pouvons le sentir souple. C’est en modifiant notre état de conscience (notamment par le travail sur la présence) et en nous accordant aux paramètres objectifs (densité) de la structure osseuse que nous pouvons commencer à la percevoir comme plastique et à modifier notre modèle, notre conception » (Tricot, 2002 85).
Seule, semble-t-il, l’expérience a le pouvoir de modifier, de réactualiser un modèle implicite.


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